Le penseur et philosophe Rudolf Steiner introduit le principe de la métamorphose en architecture.
« Une véritable harmonie de l’âme ne peut être vécue que là où se reflète dans l’environnement pour les sens humains, en structure, formes et couleurs, ce que l’âme reconnait comme ses pensées, sentiments et impulsions les plus élevées » (Rudolf Steiner).
Le Goetheanum, aux lignes sculpturales audacieuses, un des premiers bâtiment en béton construit en Suisse sur son impulsion, se fonde sur des lois de correspondance et d’évolution des formes qui sont propres au vivant.
Il ne s’agit pas là d’imiter la nature, mais d’en saisir le mouvement créateur, de pénétrer les processus de croissance et la relation du Tout avec les parties ainsi que Goethe l’a mis en évidence dans son essai sur la Métamorphose des Plantes. Par là, l’architecture devient expressive ; elle parle un langage qui touche les différents niveaux de être humain.
Après la disparition de ces premiers pionniers, l’architecture organique semble s’effacer.
Le développement de l’industrialisation aura une influence considérable sur l’évolution de l’architecture, comme du Design contemporain, qui se trouveront confrontés aux principes de la mécanisation. De nombreux artistes et concepteurs y voient la base d’une nouvelle esthétique. En rupture avec le vocabulaire du passé, ils vont chercher à décomposer les formes selon une géométrie simple et rationnelle.
En France, l’un des plus purs représentants du fonctionnalisme, Le Corbusier, défend l’idée que la création architecturale doit procéder de la même démarche que la création industrielle.
Celle-ci permettant la fabrication en série, il faut rationaliser et standardiser les éléments de l’architecture. Dans la conception de ses maisons, Le Corbusier commence par quadriller l’espace suivant une trame orthogonale. Les structures porteuses établies sur ce maillage vont se désolidariser des façades, permettre la transparence des baies largement vitrées et la liberté du plan.
Le pas suivant sera réalisé par Mies van der Rohe qui inaugurera les façades en voiles de verre entièrement transparentes.
La rigueur abstraite, la décomposition des éléments et les sens absolu de la géométrie qui caractérise le mouvement moderne aboutissent à faire de la maison, ainsi que le définit Le Corbusier, une machine à habiter. Ses différents constituants devenus des organes libres et indépendants sont comme des pièces décomposées d’une cellule de base qui pourra être répétée indéfiniment.
A cela réagiront certains tenant de l’expressionisme allemand qui cherchent à réaliser le mariage de la forme organique avec les critères fonctionnels de l’époque moderne. Pour eux les formes pures ne sont que des lois géométriques appliquées et abstraites ; elles ne peuvent susciter d’émotion.
L’inorganique est ressenti comme étranger à la vie, à sa diversité et finalement à l’homme. Ainsi s’exprime Hugo Häring en s’opposant vigoureusement aux principes rationnels développés par Le Corbusier :
« Nous agissons de manière erronée lorsque nous voulons ramener les formes à des figures de bases géométriques ou cristallines, parce qu’en faisant cela nous les contraignons par la force (Corbusier).
Les formes de base géométriques ne sont pas des formes primordiales ; elles ne sont pas non plus des configurations primordiales. Les formes géométriques sont des abstractions, des lois appliquées.
L’unité que nous constituons sur les formes des choses multiples en se basant sur des figures géométriques n’est qu’une unité de forme, et non une unité dans le vivant. Ce que nous voulons, c’est l’unité dans le vivant et avec le vivant.
Une boule de métal poli est certes une affaire fantastique pour notre esprit mais une fleur est une expérience vécue. Appliquer aux choses des figures géométriques signifie les uniformiser, les mécaniser. Nous ne voulons pas mécaniser les choses, mais seulement mécaniser leur fabrication. Mécaniser les choses signifie mécaniser leur vie qui est aussi notre vie et ainsi la tuer. Mécaniser leur fabrication signifie conquérir la vie ».