Cette analogie entre le langage habituel et le langage de l’architecture va si loin que la façon de penser qui domine à une époque, dans une certaine culture, se manifeste dans le langage des formes de l’architecture. Dans les cultures dont la pensée est mythologique, le langage des formes est imagé ; tant dans l’ensemble que dans les différentes parties d’un bâtiment, tout est significatif. L’exemple du temple égyptien, image du cosmos et corps du dieu, est parlant.
Le domaine du temple est entouré d’un mur en briques, de forme ondulée, qui représente l’eau originelle « Noun » d’où, au commencement des temps, la création a surgi. Le sol du temple représente le dieu de la terre « Geb », et le plafond décoré d’étoiles la déesse du ciel « Nout ». Le dieu solaire « Rê », représenté par le disque solaire ailé, vole tout le long du corps de la déesse. Entre ciel et terre s’élèvent les colonnes avec leurs chapiteaux en forme de végétaux (cf. photo n° 8). De telles représentations ne sont pas seulement l’expression d’une pensée imagée, elles stimulent également une façon de penser en images ! L’architecture et les arts plastiques placent devant l’âme de l’observateur une vision imagée du monde, et font par là appel, chez l’observateur, à un processus imagé de penser. Telle est, dans son sens profond, l’action formatrice de l’architecture.
Celui qui pense que cette relation entre la forme et la façon de penser n’a existé que dans les cultures anciennes et n’est plus valable pour notre époque actuelle, celui-ci se trompe. L’architecture dépouillée et géométrique des temps modernes est une expression immédiate de la pensée rationnelle, de la même façon que, dans l’architecture et dans l’art des cultures anciennes, la forme était la manifestation de leur façon mythologique de penser (cf. photo n° 9). Le Corbusier était conscient de cette relation lorsqu’il écrivait qu’il ne tendait pas un nouveau style mais une conception de forme faisant appel à la raison. Ainsi, est également valable le fait qu’une telle forme rationnelle d’architecture ne peut faire appel en l’homme qu’à ce qui est à la base de la conception même de la forme, en tant que nature de sentiment et façon de penser.